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J'ai été bénévole à Calais

Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
A Calais, les associations d'aide aux migrants recueillent de nombreux témoignages de violences policières subies par les migrants.

Il est 11h30 le vendredi 14 juillet lorsque je quitte mon village de Normandie direction Calais et les locaux de l'association Utopia 56. Pendant 4 jours, je vais aider les bénévoles qui au quotidien se démènent pour assurer la préparation et la distribution de plusieurs milliers de repas, de vêtements et de produits d'hygiène aux migrants présents dans la ville. 


Cela fait longtemps que je songe à effectuer ce voyage, mais cette fois-ci ça y est, je pars enfin! Je vais à Calais avec l'intention d'aller voir ce qui se passe sur le terrain, loin des discours et des idées reçues diffusés et entendus régulièrement autour de moi. Dans le coffre de ma voiture, mon sac à dos et un carton dans lequel j'ai réuni des vêtements à donner à l'association. Pulls, pantalons, t-shirt, j'ai pris ce que j'imaginais pouvoir correspondre aux besoins des migrants, sans trop savoir quelles étaient les urgences à satisfaire.

2H30, c'est le temps de voyage annoncé par mon GPS au départ de mon domicile. Si à l'échelle d'une journée, cela peut paraître court, ce jour là, cela me semble une éternité. Dans ma tête, les questionnements se bousculent. Qu'est-ce qu'on va me demander de faire ? Est-ce que je vais rencontrer des migrants ? Est-ce que ce que j'ai entendu sur les violences policières répétées à leur encontre est vraie ? Est-ce qu'émotionnellement je vais pouvoir supporter de voir des gens vivre dans les conditions d'indignité décrites par les bénévoles des associations qui les côtoient au quotidien ?

 

Autour de moi, les avis sur mon projet de bénévolat sont partagés. Entre les soutiens affichés et les « moi je ne pourrais pas faire ça, c'est trop dur », il y a une autre pensée qui s'exprime et qui, en substance, dit : « après tout, c'est vrai, on ne pas accueillir tout le monde et puis c'est un problème que l'Europe et le monde doivent résoudre, nous qu'est-ce qu'on peut faire ? ». 


Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
Depuis quelques années des dispositifs sécuritaires ont été mis en place par les autorités françaises pour empêcher le passage des migrants vers l'Angletterre.

C'est rempli de tous ces doutes et d'une certaine appréhension que j'arrive finalement à Calais en début d'après-midi.

Si j'avais entendu parler des mesures de sécurisation mises en place par l'état français aux abords de la ville pour limiter le passage des réfugiés vers l'Angleterre, le voir est un vrai choc, pas seulement visuel, mais aussi émotionnel.

Des murs de béton de plusieurs mètres de haut réhaussés de rouleaux de barbelés, le tout sur plusieurs kilomètres, c'est le paysage qui s'offre à tous les voyageurs qui empruntent la portion d'autoroute qui mène à Calais. Une infrastructure que je croyais réservée à des zones dites sensibles. Les autorités françaises considéreraient-elles que Calais serait l'une d'entre elle ? Je m'interroge sur la nécessité et le coût d'un tel dispositif...

Quelques kilomètres plus loin, la lecture du panneau d'affichage demandant aux conducteurs de ralentir leur vitesse pour cause d'obstacles ou de piétons pouvant être présents sur la voie commence à me faire toucher du doigt une réalité que je ne percevais jusqu'à présent qu'à travers le filtre des médias ou des témoignages des associations. D'un seul coup, un doute immense m'envahit... Et si une fois sur place je n'étais pas capable d'aller à la rencontre de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui ont fui leur pays au péril de leur vie, parce que là-bas, ils vivaient l'enfer ? En proie à cette interrogation, je continue mon chemin.

 

A peine l'autoroute quittée, j'aperçois alors des hommes assis sur le bord de la route ou marchant. Impossible d'imaginer le lieu vers lequel ils semblent se diriger tant l'endroit ressemble à un no man's land. Certains sont en groupe, d'autres seuls. Les regards que je croise semble hagards, aucun homme n'a de sac, tous semblent marcher sans but précis. Disséminées à plusieurs endroits, je repère des couvertures de survie. J'apprendrai ensuite que leur usage, bien que très efficace pour se protéger du froid ou du chaud, est très limité dans le temps. Une couverture de survie ne peut être utilisée qu'une fois, après elle ne sert plus, sauf éventuellement comme bâche pour s'abriter de la pluie.


Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
Au risque de leur vie, les migrants franchissent les frontières, parfois en famille.

Après plusieurs détours dans ce qui paraît ressembler à une zone industrielle, mon GPS m'indique que je suis arrivée à l'adresse de l'association. Klaartje, une ancienne bénévole embauchée depuis quelques mois par Utopia 56 en service civique m'ouvre la lourde grille et me fait entrer dans l'enceinte de l'entrepôt que se partage trois associations : Utopia 56, Help Refugees, une association anglaise, et l'Auberge des Migrants.

 

Ce soir, 400 couvertures seront distribuées aux migrants

 

 

Après une première visite des lieux et une présentation des activités réalisées par les bénévoles, elle me confie à Thomas, un bénévole présent sur place depuis plusieurs mois. Il m'explique que lors de la maraude de ce soir, les bénévoles feront une distribution de couvertures et qu'il faut en préparer 400 ! Une routine pour Thomas, une nouveauté pour moi fraîchement débarquée de l'univers feutré de ma voiture.

Dans la « warehouse » (nom anglais désignant entrepôt) c'est une véritable fourmilière où chacun sait ce qu'il à faire. Certains bénévoles trient les dons apportés à l'association, d'autres préparent les kits d'hygiène qui seront distribués le soir même, d'autres rangent et répertorient les vêtements reçus le tout sur un fond musical assourdissant. Le son qui sort des enceintes est tellement fort que je me demande dans quel état mes tympans vont finir après 4 jours de travail dans l'entrepôt ! Finalement je m'y habituerai très vite et trouverai plutôt ça super dynamisant !

Grâce à Thomas et l'énergie qu'il déploie, en 30 minutes, les sacs de couverture sont quasi-bouclés. Il a choisi chacune d'entre elles avec soin. Son critère : essayer de ne pas mélanger les épaisses des moins épaisses, et faire en sorte qu'aucun réfugié ne soit lésé en recevant une couverture « moins bien ».

 

Après les couvertures, direction la partie de l'entrepôt où se situe la cuisine pour préparer 250 sacs de « dry food ». Aujourd'hui, on emballe des paquets de gâteaux secs dans des sacs de congélation, demain ce sera peut être des boîtes de sardines ou des fruits en fonction des produits disponibles. « Cela permet aux réfugiés de disposer d'une réserve de nourriture en plus des repas distribués, au cas où ils auraient faim » m'explique Juliette, une autre bénévole. Elle, est là depuis quelques temps déjà. Elle est venue en stop depuis Angers avec son petit ami, Etienne. Tous les deux sont étudiants en psychologie à l'université de Tours. C'est lui qui l'a convaincue de venir faire du bénévolat à Utopia 56. Il fait partie des bénévoles qui sont déjà venus plusieurs fois. 


Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
Utopia 56 est une association qui organise sur Calais et sur Paris du bénévolat humanitaire auprès des réfugiés.

Comme beaucoup ici, ils parlent anglais. Il faut dire qu'à 80 % les bénévoles qui sont là sont d'origine anglo-saxonne. La seule explication qu'on m'a donnée est que, peut-être, les anglo-saxons seraient plus sensibilisés à la cause des réfugiés ! Vrai ou faux, je ne sais pas, mais ce qui est sûr c'est que francophones comme anglophones, tous s'activent incroyablement dans la joie et la bonne humeur, même si parfois l'épluchage d'un nombre incroyable de kilos d'oignons et les pleurs qui en résultent pourraient laisser penser le contraire ! Forcément pleurer ensemble créé des liens, c'est ce que j'ai découvert en discutant avec Bee, une jeune irlandaise de 18 ans venue avec sa mère pour quelques jours. Tout en coupant et pelant les oignons, elle m'explique les raisons qui l'ont amené à traverser la Manche pour venir faire du bénévolat à Calais. Comme tous ceux qui sont là, elle refuse d'accepter le sort réservé aux migrants sans rien faire.

Comme pour tous ceux avec qui je discuterai tout au long de ces 4 jours, le fait de venir participer ensemble à une opération de bénévolat humanitaire est une manière de s'élever contre l'inacceptable. Cet « inacceptable », c'est Klaartje qui m'en parle la première lors d'un briefing organisé le soir même de mon arrivée. Objectif de cette réunion entre bénévoles : savoir quelle conduite tenir face aux forces de police lors des maraudes. Pour l'association, il s'agit avant tout d'assurer la sécurité des bénévoles et ne surtout pas provoquer l'affrontement. Comme tous ceux d'Utopia 56, Klaartje sait que le moindre acte de riposte des bénévoles serait préjudiciable à la poursuite de l'action de l'association sur le terrain et pourrait être utilisé comme un prétexte pour lui interdire toute intervention auprès des migrants. Une chose impensable quand on sait dans quelles conditions insalubres et précaires ils vivent.

 

Une présence policiaire quasi-permanente lors des distributions

 

Lors du briefing, elle rappelle aussi que contrairement à ce que dit la police, les distributions alimentaires sont bel et bien légales. Si celles-ci peuvent être effectivement interdites sur l'espace public, cela n'est plus valable dès lors que les personnes qui en bénéficient se trouvent en situation d'indignité par rapport aux conditions dans lesquelles elles vivent.

Pour la première fois depuis mon arrivée, j'entends des bénévoles raconter comment la police traitent les réfugiés. Les récits rapportés sont consternants. Humiliations, provocations, brutalités physiques, confiscation de couvertures, de vêtements... La liste des entraves à la dignité et au respect de l'individu est longue... L'horreur grimpe encore d'un cran quand le lendemain soir, une équipe de bénévoles raconte en rentrant de maraude avoir été gazée avec des gaz lacrymogènes alors que la nourriture distribuée aux migrants a été jetée à terre par ceux-là même qui sont censés faire respecter l'ordre !

 

Le lendemain, le nettoyage du camion et de son contenu encore imprégné de gaz continuera à faire souffrir et pleurer les bénévoles. Ce soir là, la scène n'a pas pu être filmée, la caméra de Gaël, l'un des fondateurs de l'association, était déchargée ! Cela n'empêchera pas l'écriture d'un rapport qui ajouté aux nombreux autres, serviront ensuite à faire des dépôts de plainte auprès des autorités judiciaires. Des procédures longues et fastidieuses mais nécessaires selon les membres de l'association pour dénoncer le sort réservé aux migrants aujourd'hui en France. 


Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
A Calais, la présence policière est très forte notamment lors des interventions des associations auprès des migrants.

Pour moi, c'est la fin de ma première journée à Calais. Ces quelques heures passées en compagnie des bénévoles font, malgré l'horreur des récits qui m'ont été rapportés, naître en moi un profond sentiment de sérénité et d'espoir. Jamais je n'aurais cru qu'il était possible à quelques dizaines d'individus seulement de dégager une telle énergie positive sans jamais à aucun moment, générer un quelconque conflit d'intérêts ou de personnes.

Cette première soirée est aussi pour moi le moment de découvrir les deux autres bénévoles avec qui je vais partager mon bungalow durant les trois prochains jours. Tous les deux ont la vingtaine. Kate est américaine et Antoine est parisien. Malgré leur jeune âge, chacun a un parcours de vie déjà riche. Cette première rencontre est l'occasion de partager autour d'un plat de pâtes nos impressions, notre vision du monde et aussi nos rêves.

23 heures signe pour moi l'arrêt des « festivités », demain, samedi, s'annonce comme une journée bien remplie. Après une nuit récupératrice, je retrouve à l'entrepôt les autres bénévoles. La matinée débute par une présentation des tâches à accomplir pour la journée, chacun s'inscrit à ce qu'il a envie de faire. Je choisis de préparer le thé avec Loes, une étudiante originaire des Pays-Bas. Bientôt, elle quittera son pays pour l'Afrique où dans le cadre de ses études, elle fera une étude sociologique sur les femmes et la sexualité. Pour toutes les deux, la préparation du thé est l'occasion d'échanger sur la façon dont les migrants sont considérés dans nos pays respectifs. Une vision différente qui marque les désaccords qui existent entre les membres de l'union européenne et le manque de coordination.

La journée se poursuit au rythme des kilos de légumes à couper et à éplucher, de la montagne de vaisselle à faire et des discussions passionnées avec Antoine avec qui je refais le monde tout en épluchant des haricots verts ! C'est l'heure de la préparation des « bento », ces boîtes en carton dans lesquelles on met la nourriture préparée l'après-midi. Il n'y a pas de temps à perdre, pour la deuxième fois de la journée les deux camions s'apprêtent à partir pour leur tournée de distribution lors de laquelle près de 200 repas seront donnés. Demain midi, je ferai partie des trois bénévoles qui partiront en maraude, en attendant ce moment, ma seconde journée s'achève, dîner rapide et dodo bien mérité.

 

Sans aucun sanitaire, ni point d'eau potable, des centaines de migrants survivent sur une partie de l'ancienne jungle

 

10 heures dimanche matin, le point de rassemblement des bénévoles est fixé comme la veille à la « warehouse ». Antoine, Nolwenn et moi, nous nous proposons pour aller faire une opération nettoyage à l'endroit de ce qu'on appelait encore il y a quelques mois « la jungle ». Dans le camion nous chargeons des sacs poubelles et des gants. Après 15 minutes de route, nous parvenons dans cet endroit qui paraît ne plus faire partie de la ville.

Situé dans une zone industrielle, ce lieu est en fait un terrain vague sur lequel vivent de nombreux migrants sans aucune installation permettant le respect des règles élémentaires d'hygiène. Aucun point d'eau potable, encore moins de sanitaires ! Seule trace visible de civilisation, les grilles de plusieurs mètres de haut installées à l'entrée.

Nolwenn nous rappelle à Antoine et moi les règles de sécurité à respecter : on prend sa carte d'identité sur soit, on porte un brassard ou un gilet indiquant notre appartenance à Utopia 56 et on ne s'éloigne pas les uns des autres, on reste à portée de vue et de voix.

 

A peine descendus du camion, un homme s'approche de nous et nous montre l'intérieur de sa bouche en nous demandant un docteur. L'expression tendue de son visage démontre que manifestement il souffre d'un fort mal de dent. Au vu de l'état de celle-ci, il est évident que des soins dentaires sont nécessaires. En anglais, Nolwenn lui explique qu'aujourd'hui on ne peut pas l'emmener mais que demain, un médecin viendra le voir. L'homme repart sans qu'aucun d'entre nous soit sûr qu'il ait bien compris ce qu'on lui ait dit. La souffrance est le lot quotidien de ces hommes, Nolwenn nous raconte qu'il lui est déjà arrivé de voir des plaies dans un état grave.


Utopia 56, association d'aide aux migrants à Calais et Paris
A Calais, Utopia 56 organise grâce aux bénévoles des opérations de nettoyage des sites où la présence des migrants est importante.

Cet après-midi c'est moi qui suis dans le camion pour distribuer la nourriture, les savons, les shampoings, les rasoirs, les brosses à dents, les dentifrices ou encore les chaussettes et le papier toilette. Charlie discute avec les migrants, prend des nouvelles des uns et des autres. Aymie, une autre bénévole, s'occupe de la distribution du thé et de l'eau.

Ce jour là, elle et moi, nous nous improvisons soignantes. Un migrant a tenté la nuit dernière de grimper sur un camion, il a glissé et s'est brûlé une partie de la paume de la main. Nous lui appliquons une compresse imprégnée de désinfectant sur laquelle nous mettons un pansement. Nous lui disons de revenir le lendemain pour changer le pansement, nous ne le reverrons finalement pas. De jour en jour, certains arrivent, d'autres partent. Des liens se créent entre les bénévoles et les migrants.

 

Les migrants témoignent des maltraitances policières 

 

Pas toujours facile de savoir ce qu'ils sont devenus surtout quand la police les emmènent au poste. Hier, c'est ce qui arrivé à l'un d'entre eux lors de la distribution du soir. D'après le témoignage d'une bénévole, il a refusé d'obéir à un policier qui lui demandait de se pousser. Pour ça, il a été placé en garde à vue jusqu'à 6h du matin, heure à laquelle des membres des forces de l'ordre l'ont déposé à Saint Omer, à une quarantaine kilomètres de Calais.

Lors de la distribution, nous le revoyons. Il est revenu à Calais à pied. Les traits de son visage sont tirés, il semble épuisé. Lorsque Charlie lui demande de ses nouvelles, il raconte son histoire sans colère, sans émotion. Pour Charlie, c'est encore un abus de plus, un de ces multiples récits déjà malheureusement entendu de nombreuses fois. Moi, je me demande comment humainement on peut agir de cette manière, j'ai honte de ceux qui ont fait ça. Ce sentiment n'est pourtant pas grand-chose au regard de celui que je ressentirai le lendemain lors de la dernière distribution à laquelle je participerai. Ce jour-là, des policiers viendront prendre toutes les affaires des migrants. Impuissants, nous assisterons, Charlotte, Antoine et moi à cette opération policière routinière. Une bénévole de l'association Salam présente sur les lieux filmera la scène avec son téléphone malgré le désaccord des policiers. A eux, elle leur rappellera qu'elle est parfaitement dans son droit. Il la laisseront finalement faire après avoir essayé plusieurs fois de l'en dissuader. En quelques minutes, couvertures, vêtements seront chargés dans un camion des services techniques de la ville sous l'oeil désabusé et totalement pacifique des migrants. Cette fois-ci, les forces de l'ordre n'auront pas humilié ni violenté les migrants.

 

Malgré la distance qui me sépare de l'endroit où se déroule la rafle d'affaires, je perçois pourtant la violence de la scène, j'ai la tête qui tourne et les jambes qui flageolent. C'est comme si la scène à laquelle j'assistais ne pouvait pas être réelle. Pourtant au vu des témoignages que j'ai pu recueillir, il semble que cette situation soit plutôt monnaie courante à Calais.

Malgré tout, nous poursuivons la distribution. Un merci, un sourire, une poignée de mains, et je comprends pleinement le sens de ma présence aux côtés de ces hommes et femmes en état de survie. Il est pas loin de 14h30, nous reprenons le camion, direction la gare de Calais où nous distribuons les derniers repas à des SDF.

Pour Antoine et moi, l'heure du départ approche, juste le temps de revenir à la warehouse, de prendre Claire, une autre bénévole, et nous quittons tous ceux avec qui nous avons partagé des moments intenses pendant ces 72 heures. C'est l'heure du dernier bilan, des au revoir, des accolades comme si nous nous connaissions depuis longtemps, c'est sûr, des liens se sont créés.

Qu'on se revoit ou pas, on aura toujours cette expérience humaine en commun. J'ai l'impression d'avoir vécu des choses fortes et intenses qui désormais font partie de moi et de l'histoire de ma vie qui me reste à écrire. Mon regret : ne pas avoir pu discuter davantage avec Hervé. Lui, a connu l'époque de la jungle quand elle ressemblait à une ville avec ses écoles, ses commerces, ses mosquées. Là-bas, il a partagé des instants de vie avec ces hommes, ces femmes et ces enfants déracinés. Il m'avait proposée de me montrer les photos qu'il avait faite d'une époque aujourd'hui, révolue. Qui sait, peut-être nous reverrons nous lors d'un prochain séjour ? Je ne sais pas mais ce dont je suis convaincue, c'est que cette expérience a changé ma perception des choses. S'il est évident que ma courte présence à Calais ne m'a pas permis de saisir complètement la complexité de la situation administrative et politique de la situation des migrants sur notre sol, je n'ai pas pu m'empêcher de m'interroger sur la pertinence de la devise qui définit et caractérise notre république « liberté, égalité, fraternité ».

 

www.utopia56.com

 

Corine Carré

 

Crédit photos : association Utopia 56

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Commentaires: 1
  • #1

    Romain (jeudi, 28 septembre 2017 17:56)

    Merci pour ce récit.