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Un tour du monde des solutions énergétiques

Clément et François les vagabonds de l'énergie
Clément et François ont décidé de voyager un an autour du monde à la rencontre des populations et des solutions énergétiques utilisées

Un an de vagabondage à travers le monde en voiture, en train, à bateau, c'est le défi que se sont lancés François Glaizot et Clément Bresciani. Le premier est spécialisé en éco-construction et le second est conseiller en énergie.

L'objectif de ces deux jeunes normands : comprendre les choix et comportements des populations rencontrées en matière de production et de consommation d'énergie. Parce qu'aujourd'hui, la production d'énergie n'est pas juste liée à des questions techniques, mais aussi à des problématiques sociales et géopolitiques, François et Clément ont décidé de partir à la rencontre d'hommes et de femmes de différents pays et de différentes cultures pour mieux appréhender ce rapport à l'énergie dont le monde entier est aujourd'hui dépendant.

Depuis leur départ en bateau des sables d'Olonne le 28 octobre dernier, ils ont déjà sillonné 17 pays et rencontrer de multiples acteurs liés au secteur de l'énergie. Leur retour prévu au printemps 2018 donnera lieu à la réalisation d'un documentaire vidéo pour diffuser au grand public des axes de réflexion et témoigner des différentes solutions énergétiques existantes aujourd'hui dans le monde... Et pourquoi pas à terme, s'inspirer des projets rencontrés pour faire des propositions d'initiatives à l'échelle locale et changer notre quotidien... Rencontre avec ces deux globe-trotters normands...


Après avoir entendu parler de leur projet, j'ai eu très envie de rencontrer Clément et François pour qu'ils me racontent leur périple... Via la magie d'internet, l'interview s'est faite malgré les milliers de kilomètres qui nous séparaient et voici ce qu'ils m'ont racontée depuis la Colombie où ils séjournaient avant de partir pour l'Equateur ou le Pérou. 

 

Quand êtes-vous partis et d'où? 

Nous sommes partis début novembre 2016 des Sables d'Olonne en France. Nous avons traversé l'Atlantique et les Caraïbes à la voile en nous arrêtant à Porto Rico, Haïti, la Jamaïque puis Cuba. Nous avons rejoint ensuite l'Amérique centrale via le Guatemala et avons descendu jusqu'en Colombie, ou nous sommes à présent.

Après quelques mois de voyage, quel bilan faites-vous de votre aventure? 

Clément : Rude question! Après 7 mois de voyage, déjà, on en a pris plein les yeux et la tête. Une richesse d'apprentissage culturel et historique, découvrir de l'intérieur la situation d'un pays est vraiment passionnant! Côté énergie, nous avons étudié 6 projet, et 2 reportages sont déjà en ligne. C'est très satisfaisant et les retours sont bons, c'est encourageant mais assez difficile de prendre du temps pour faire du montage vidéo et rédiger des articles, ça nécessite une situation confortable, qu'il est parfois dur de rencontrer!

François : Cette aventure d'aller à la rencontre des autres cultures est d'une infinie richesse, nous nous retrouvons en face de notre favoritisme, de notre richesse due en grande partie à l'exploitation passée et actuelle des richesses des pays en voie de développement. Ce qui procure parfois quelques gênes. Concernant l'étude, les projets choisis nous ont tous apporté la confirmation de l'importance de remettre le consommateurs/citoyen au cœur du processus de décision de production d'énergie, et encore mieux de le faire prendre part à sa production. C'est là une clé de la transition énergétique, et de notre responsabilisation vis à vis des ressources fossiles. 

Quel est le pays ou les personnes qui vous ont le plus marqués? Pour quelle(s) raison(s)? 

Clément : Pour moi, c'est Cuba. Une claque culturelle, historique, et même visuelle. Ce pays a une situation tellement unique de par son histoire! Les Cubains sont accueillants et généreux, et s'en sortent grâce à une gestion politique se rapprochant du communisme. Ce régime comporte aussi beaucoup de défauts, notamment la quasi impossibilité pour les Cubains de voyager et découvrir le monde, leur système monétaire ayant une valeur ridiculement basse. Le pays évolue et s'ouvre, commence à changer. L'ouverture au monde occidental et au marché mondial se fera sans doute comme pour nous mais plusieurs années après, pour le meilleur comme pour le pire...

François : Haïti! Nous y avons été confronté à la plus extrême culture de l'intérêt immédiat et individuel. Le gouvernement est bien incapable d'apporter des réponses efficaces et de faire respecter ses lois, il est en perpétuel conflit entre les intérêts individuels de ses membres et ceux de son pays. Par exemple, les boîtes en polystyrène, comme nos boîtes Kebab sont interdites en Haïti, mais elles y font fureur. Mais comme l'entreprise qui les fabrique est directement liée au gouvernement, ce n'est pas une priorité de la police de pénaliser l'usage de ses boîtes qui finissent dans la nature et les cours d'eau. Rares sont les commerces qui ont une vaisselle réutilisable.  
La priorité devrait être mise sur l'éducation, la gestion durable des ressources, l'autonomie alimentaire. Mais au lieu de ça, c'est la philosophie et la poésie qui sont symbole de réussite (héritage de la colonisation Française).
Il n'y a pas non plus de service global de ramassage des déchets, tout est jeté par terre et brûlé dans la grande décharge de Port aux Princes ou localement, la contrainte étant d'attendre que le vent souffle du bon coté. 
Des bidonvilles à Port au Prince se forment avec des milliers d'habitants, sans aucun système d'égouts, sans réseau électrique, sans urbanisme, sans système d'eau potable (comme dans tout le pays d'ailleurs). Cela provoque des maladies causées par l'absence d'hygiène. Les gens font leurs besoins directeent dans la rue. Il y a aussi de gros risques d'incendie, tout le onde cuit au feu de bois ou au charbon et s'éclaire à la bougie. Quant à la criminalité, elle est banale dans le pays. Les ONG sont nombreuses mais elles répondent à la situation de crise. Elles n'apportent pas de réponse sur le long terme. Elles sont mal perçues du fait de l'assistanat qu'elles développent et de leurs aides ciblées. Cela créé des jalousies et cela contribue aussi à détruire la production alimentaire du pays en apportant des denrées qui dévaluent la production locale.

 


Clément et François les vagabonds de l'énergie
Clément et François ont déjà visité 17 pays à la rencontre des populations et des solutions énergétiques utilisées

Qu'avez-vous appris? 

Énormément de choses donc on ne rentrera pas dans les détails! Mais globalement nous avons appris déjà des aspects pratiques du voyage, et la vie à deux qui demande beaucoup de travail personnel et commun, beaucoup d'attention. Ensuite la géographie, l'histoire, la culture des pays qu'on a traversé. La diversité des modèles énergétiques des pays, et les difficultés au quotidien des habitants. Tout cela est passionnant, et le découvrir dans une autre langue, principalement l'espagnol jusque-là, ajoute une difficulté, donc une richesse!

Quelles solutions énergétiques avez-vous découvert? 


Aucune, et c'est normal! Notre but est de nous concentrer sur l'impact social de la mise en place d'une solution énergétique. Nous n'en cherchons pas de nouvelles, ce qui serait très dur d'ailleurs car aujourd'hui il y a très peu de découvertes majeures sur le sujet.

Quelles sont celles qui vous ont le plus étonnés et/ou intéressés? 


Le projet le plus insolite qu'on ait rencontré est un lycée dont les murs sont en bouteilles plastiques remplies de déchets plastiques. Ce qui est étonnant, c'est que c'est un seul professeur qui a porté toute l'initiative, avec les étudiants, et qui s'est battu pour aller au bout de son envie. Aujourd'hui il veut aller plus loin en rendant le lycée autonome en énergie. C'est très inspirant!
Par ailleurs le projet sur Porto Rico fut aussi extrêmement intéressant, cette recherche d'autonomie, être capable de répondre par soi-même à un grand nombre de ses besoins tout en respectant la nature et ses richesses ont apporté aux membres de la communauté un sentiment d'émancipation, de liberté et même de décolonisation dans la mesure où Porto Rico est encore un territoire des États Unis. 

Tout au long de votre périple, avez-vous rencontré beaucoup de professionnels de l'énergie ou avez-vous eu plutôt à faire jusqu'à présent à des populations autodicdates et qui ont trouvé des solutions adaptées à leurs ressources et leurs territoires? 

Principalement et parfois à regret, nous avons étudié des projet dus à des professionnels de l'énergie ou de grandes ONG internationales. Mais comme nous nous intéressons beaucoup au quotidien des habitants et aussi à la manière dont les projets ont été construits, cela reste pour nous des projets pertinents. Le dernier en date par exemple fut un tout petit barrage hydroélectrique dans un village indigène de Colombie. Nous avons passé beaucoup de temps avec ces "nouveaux consommateurs" qui découvrent l'électricité 24h/24, mais aussi avec les responsables de la centrale choisit au sein même du village, et avec les organismes qui ont initié et financé le projet, s'intéressant à leur valeurs et à leurs objectifs.

Où en êtes-vous de votre voyage aujourd'hui? 

Nous sommes en Colombie, à côté de Medellín. 


Pour leur tour du monde, les vagabonds ont décidé de ne pas utiliser l'avion mais de se déplacer uniquement en voiture, train et bateau.
Pour leur tour du monde, les vagabonds ont décidé de ne pas utiliser l'avion mais de se déplacer uniquement en voiture, train et bateau.

Quels sont les prochains pays que vous projetez de visiter? 

Ce devrait être l’Équateur puis le Pérou avant de traverser le Pacifique en cargo. Mais ce fameux cargo ne fait plus sa ligne, nous sommes en discussion avec la compagnie mais il se pourrait que l'itinéraire évolue encore... C'est sûr que ce n'est pas toujours facile, ce choix de faire un tour du monde sans avion!

Combien de pays avez-vous déjà visité jusqu'à présent? 

De l'Espagne jusqu'ici, 17! Mais dans beaucoup nous ne sommes restés que très peu de temps. Pour mieux se rendre compte, voici notre carte interactive:
http://www.vagabondsenergie.org/fr/carte/

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré? 

Aucune majeure, sinon les déplacements maritimes qui sont clairement ce qui est le plus dur à gérer pour l'instant! Que ce soit pour faire du bateau-stop d'île en île aux Caraïbes, puis traverser le Darien (bande de forêt sans route entre le Panama et la Colombie) le long de la côte en lancha (grande barque à moteur) et maintenant la tuile du cargo... c'est beaucoup d'organisation, de discussion et de prises de décisions, donc de temps et d'énergie. Mais c'est une partie très atypique du voyage, avec un tas de bons moments et d'anecdotes insolites!

Quelle est votre date de retour prévue? 

Printemps 2018, mais ça reste flexible...

Quelle(s) exploitation(s) comptez-vous faire de toutes les infos que vous allez récupérer? 

A notre retour nous continuerons à rédiger des articles sur toute les analyses que nous faisons en chemin. Nous monterons également un documentaire vidéo d'un format plus long et d'une réalisation plus professionnelle que les reportages que nous sortons actuellement. Nous ferons ensuite des conférences et projections vidéo, et réfléchirons à la suite, tout est possible.

Pensez-vous qu'on rentre d'une aventure comme la vôtre comme on en est parti? 

Non, c'est certain. Mais il est bon de savoir qu'on ne rentre pas forcément complètement transformé de ce genre de voyage, comme c'est souvent sous-entendu. C'est une expérience enrichissante qui permet individuellement d'apprendre beaucoup de choses essentielles sur soi et le sur monde qui nous entoure, on continue notre chemin et on évolue plus vite que si on restait dans un quotidien confortable de nos cercles de confiance. Mais il n'est pas nécessaire de partir à l'autre bout du monde pour ça, le voyage commence lorsque l'on change le regard que l'on porte sur ce qui nous entoure et qu'on s'engage pour défendre ses valeurs, cela peut être fait n'importe où !

 

www.vagabondsenergie.org

 

Corine Carré

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