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Thé et Café pour les réfugiés

Collectif citoyen Thé et Café pour les réfugiés
Entre les membres du collectif Thé et Café pour les réfugiés des forts liens d'amitié se sont noués

Tous les jeudis en fin d'après-midi, ils sont une dizaine du collectif Thé et café pour les réfugiés à se donner rendez-vous à Stalingrad pour partager avec les migrants qui sont là un moment de convivialité et d'humanité. Echanger, discuter, accompagner autour d'une tasse de café, de thé, d'un morceau de pain, de chocolat, mais aussi souvent une distribution de kits d'hygiène ou du matériel scolaire, c'est ce que font ces citoyens dans le respect de l'identité et de la culture de chacun. 


collectif thé et café pour les réfugiés
"Pour nous, c'était important de comprendre les besoins des personnes qu'on rencontrait pour y répondre" explique Lynda

 

Ce matin de mars, il fait beau sur Paris, j'ai rendez-vous avec Lynda, l'une des 4 fondatrices du collectif citoyen Thé et Café pour les réfugiés. C'est dans le quartier latin qu'elle m'a donnée rendez-vous.

Comme beaucoup, la situation de ceux qu'on appelle les migrants m'interpelle et me questionne depuis longtemps maintenant. C'est la lecture d'un article sur le collectif qui m'a amenée à prendre contact avec Lynda. J'avais envie de sortir de la vision donnée dans les médias pour raconter le vécu de celles et ceux qui par leur action, leur soutien ont choisi de s'engager auprès de tous ces hommes, femmes et enfants qui à cause de la guerre et de la famine ont décidé de fuir leur pays pour devenir des migrants. Dès le début de notre entretien, Lynda affiche son engagement plein et entier auprès de ceux qu'elle considère comme des "polytraumatisés".

Son engagement au sein du collectif Thé et Café pour les réfugiés, c'est pour elle comme une évidence, une manière de ne pas tomber dans la "chiennerie" dénoncée par l'écrivain Romain Gary en 1965.

Peu avant le démantèlement du camp de Jaurès dans le 19ème arrondissement de Paris, Aline, une amie de Lynda était allée demander aux réfugiés de quoi ils avaient besoin. "Ils m'ont répondue, qu'en fin d'après-midi, c'était dur, il faisait froid" explique Aline. Elle contacte alors une dizaine de copains et ensemble, ils décident d'organiser une distribution de thés et de cafés. Au moment, où ils sont censés commencer, le camps est démantelé. Julia, François, Lynda et elle décident malgré tout de rester sur place et d'aider les réfugiés, c'est le début de l'aventure du collectif.

 

Discuter, échanger, partager autour d'un thé ou d'un café

 

"La première fois qu'on est intervenu, c'était le jeudi après la fermeture du camp. La situation était complètement cahotique. On ne savait pas ce qui allait se passer, on était nouveau. On est arrivé, on a posé les thermos, on s'est mis sur les murets. On savait que les réfugiés étaient là, certains n'avaient pas mangé depuis 5 jours, ils se cachaient" raconte Lynda. Finalement, ce jeudi-là, la rencontre avec les réfugiés aura bien lieu.

Débuté à 4 au mois d'octobre dernier, le collectif s'est depuis agrandi. En fonction des disponibilités des uns et des autres, ils sont en moyenne une dizaine à venir chaque jeudi échanger, partager avec ces hommes au parcours souvent tellement douloureux. Les mois ont passé mais l'émotion de cette première rencontre est toujours aussi vive chez Lynda. Impossible aujourd'hui pour elle de dissocier son investissement au sein du collectif de sa vie privée. "C'est pas un choix qu'on peut faire seule. Ca nous prend tellement de temps et d'énergie qu'on peut le faire que si notre entourage familial partage avec nous cet engagement qui dépasse largement le cadre de notre distribution du jeudi. C'est un peu comme si certains d'entre eux étaient devenus des copains. Il nous arrive de faire des sorties ensemble par exemple. Ils sont dans ma vie privée. On est leur lien français, on est un peu leur famille. Ce qui est très compliqué pour eux, c'est l'indifférence".

Parfois une rencontre se transforme en une amitié forte. "Les relations qu'on entretient sont hyper-intéressantes, il y a une réelle force des sentiments" explique Lynda. Une force sans doute à la hauteur des besoins des réfugiés qui généralement manquent de beaucoup de choses essentielles. "En créant Thé et Café pour les réfugiés, on a voulu partir des besoins des réfugiés pour pouvoir y répondre. Au départ, on voulait prioritairement cibler les femmes et les enfants, c'était avant de se rendre compte que là où on intervenait, il n'y avait la plupart du temps que des hommes".

 

 

 

Très vite face au besoin urgent des populations côtoyées lors de ces rendez-vous hebdomadaires, les membres du collectif mettent en place en plus du thé et café une distribution de kits d'hygiène financés par une cagnotte créée sur la page facebook du collectif. Les distributions se font en fonction du budget collecté sachant que 100 kits coûtent 230 euros. Brosses à dents, savons, rasoirs, paquets de mouchoirs, de coton-tiges, pansements, baumes à lèvres, coupes-ongles, crème pour le visage... l'idée est de permettre à tous de prendre soin d'un corps trop souvent malmené par les conditions de vie éprouvantes qu'ils connaissent.

Sociologue, Lynda travaille sur le thème de la santé. C'est à travers ce prisme qu'elle s'est intéressée aux populations vulnérables. "En proposant des actions en lien avec l'hygiène, cela déplace les choses. Les actions de santé publique de rue que nous menons sont destinées à rendre à ceux qui en bénéficient leur dignité et le respect d'eux-mêmes. Une fois, nous avons distribué 100 enveloppes avec 3 préservatifs à l'intérieur et la liste des centres de dépistage. C'est de la prévention, ce n'est pas parce qu'ils sont réfugiés que ce ne sont pas des hommes. Parfois aussi, on donne des kits scolaires avec des porte-documents pour qu'ils puissent ranger leurs papiers, ils ont très peur de perdre ces documents. Pour nous c'est rien, mais pour eux c'est le graal!"

D'autres opérations de distribution de chaussettes ou de slips neufs avec comme slogan "un slibard, c'est pas du caviar" ont également été menées depuis le mois d'octobre.

 

Le collectif assure une distribution de kits d'hygiène et de matériel scolaire

collectif thé et café pour les réfugiés
Souvent, des migrants participent avec des membres du collectif à la réalisation des kits

 

Pas toujours facile pourtant de rentrer en contact quand on ne parle pas toujours la même langue. "Si la parole n'arrive pas à passer, la compréhension passe souvent par le regard" explique Lynda. Pour Aline, non plus, la langue n'est pas un obstacle majeur. "Il y en a toujours un qui parle mieux que l'autre, on se débrouille et finalement on y arrive toujours".

Ce jeudi soir là, comme souvent, elle essaye d'expliquer à Mohammed, un jeune afghan de 18 ans à quel organisme s'adresser pour être aider. "Comment tu t'appelles? Tu as tes papiers? Montre-les moi". Aux regards échangés, on comprend vite que Mohammed a du mal à saisir le sens de tout ce qui se dit. Après quelques tentatives d'explications, Idriss, un étudiant membre du collectif , décide de sortir un plan de métro et de tracer dessus au crayon l'itinéraire que Mohammed devra suivre le lendemain pour se rendre au BAAM, le Bureau d'Accueil et d'Accompagnement des Migrants. Si la première difficulté liée au trajet semble aplanie, il reste encore à expliquer au jeune afghan les jours et horaires d'ouverture du bureau et l'aide qu'il pourra y recevoir. Après une vingtaine de minutes passées avec Idriss et après avoir répété plusieurs fois ensemble le trajet à faire, Mohammed, semble plus rassuré. Si souvent, un membre du collectif accompagne les réfugiés, demain personne ne pourra l'emmener, Mohammed devra y aller tout seul et tenter sur place d'expliquer sa situation. Comme lui, ils sont nombreux le jeudi soir à venir chercher du réconfort et des informations. Ils s'appellent Alsadiq, Aziz, Jean-pierre, Haron, Yaya, Addou, Jean-Yves, ils viennent d'Afghanistan, du Soudan, d'Erythrée, ou encore de Lybie. Malgré les pacours de vie souvent terribles, le misérabilisme n'a pas cours à Thé et Café pour les réfugiés. "On est là pour assurer une présence, un soutien, un échange. On est pas là pour se donner une bonne conscience. En ce qui me concerne, je n'accepte pas ce qui se passe, donc j'agis, j'ai besoin du terrain" raconte Youlie. L'enthousiasme et la joie de vivre de cette jeune contrôleuse des finances publiques est ce soir là communicative, comme si la vie reprenait ses droits faisant de ce thé ou ce café partagé, un moment de convivialité suspendu hors du temps et des frontières.

 

Crédit photos : collectif Thé et Café pour les réfugiés

 

Page facebook : @theetcafepourlesrefugies

 


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