91% en moins de déchets dans leur poubelle, c'est le résultat obtenu par la famille de Jérémie et Bénédicte après une année de bataille et de lutte contre les déchets. Au-delà de la seule question de l'allègement de leurs poubelles, le couple a décidé à travers leur démarche de faire un vrai choix de vie et de société différent.
Pour Jérémie, Bénédicte, Mali et Dia, leurs deux enfants, la prise de conscience écologique a commencé il y a un peu plus de 16 ans maintenant. On est au début des années 2000, ils participent avec l'association Surfrider Foundation à une opération ramassage des déchets sur la plage. Pour cette famille originaire du sud-ouest de la France, la prise de conscience est violente. Face à la situation catastrophique de dégradation de l'ecosystème océanique et la surpopulation de déchets, ils décident de passer à l'action. Pour agir en amont du cycle de l'eau, ils crééent l'association Mountain Riders. Objectifs affichés : ramasser les déchets sur les pistes de ski après la saison, réfléchir sur un modèle durable du tourisme de montagne et plus largement, de notre système de consommation. Ces expériences vont les amener à un constat simple : "le déchet ne se retrouvera pas dans la rivière si je ne l'achète pas". Pour la famille, c'est le déclic qui marquera le début de leur aventure zéro déchet. Pendant toute une année ils mènent cette expérience avec sérieux et conviction.
Chaque français produit plus d'un kilo de déchets par jour
Leur mot d'ordre : "No poubelle" est simple et radical. Un an après, le constat est édifiant : avec seulement 25 kilos de déchets domestiques et 10 kilos d'entretien voiture, la famille a réussi a réduire de 91% la quantité de déchets produite en moyenne par chaque français en une année. 390 kilos, c'est en effet le poids moyen de déchets que chacun d'entre nous jette en 365 jours, soit plus d'un kilo par jour et par personne! Quand on sait que la France arrive en tête du peloton européen en ce qui concerne le nombre de ses incinérateurs qui contribuent à l'augmentation de l'effet de serre, on se dit qu'il y a urgence à agir. Pas juste en attendant que l'état légifère, mais simplement en essayant d'agir à son niveau.
Bon, le "zéro déchet" c'est un peu votre Himalayah à vous? D'accord, mais peut-être que sans atteindre le sommet de la montagne, vous pourriez déjà essayer de gravir les premiers mètres de la colline en tentant d'alléger votre poubelles. Plus facile à dire qu'à faire me direz-vous? Certes vous avez déjà l'impression d'être un éco-citoyen modèle parce que vous avez équipé votre cuisine de trois bacs de tri et que vous vous appliquez scrupuleusement à alimenter votre bac à compost avec tous vos reliquats végétaux, oui mais les plastiques, vous en faites quoi alors? Parce qu'il y en a beaucoup et partout... des sacs, bien sûr mais pas que... Pots, emballages divers et variés, opercules... La quantité de ces déchets à usage très limité mais à durée de vie presqu'illimitée devient vite exponentielle.
C'est parce qu'ils ont ouvert leur poubelle et étalé son contenu dans le jardin, que Bénédicte et Jérémie ont pris une décision radicale : faire disparaître le plus possible le plastique de leur vie. Plus qu'une mode plébiscitée par quelques néo-bobos, réduire ses déchets est devenue aujourd'hui pour Jérémie, une nécessité. "Nous sommes bien au-delà de toutes considérations idéologiques, politiques, confesssionnelles. Nous sommes dans l'obligation de changer de mode de vie. Dans l'urgence la plus immédiate". Sans revenir à l'ère ancestral de la bougie, il est tout à fait possible selon cet écologiste convaincu d'éliminer 95% des déchets de notre quotidien en changeant nos modes d'achat. En un an, la petite tribu de Jérémie a relevé le défi avec brio.
Aux mauvaises langues qui leur disaient que consommer en dehors des supermarchés allait faire grimper leur budget, que préparer soi-même ses plats ou ses produits d'entretien allait leur prendre des heures et des heures, elle leur a prouvé que ce n'était pas vrai! Elle leur a aussi montré que consommer local permettait, au contraire, tout en mangeant mieux (argument non négligeable) de faire aussi des économies tout en agissant sur toute la chaîne environnementale, sociale et
économique en participant à une économie résiliente. Pour ça, il a fallu s'organiser et réfléchir à des solutions, notamment pour acheter sans emballage! Jérémie et Bénédicte ont donc opté pour les bons vieux Tupperwares, en verre, bien sûr. Les bocaux ont aussi investi les étagères de la cuisine et les sacs en tissu ont remplacé les très polluants sacs en plastique.
Les emballages peuvent représenter jusqu'à 20% du prix du produit
Pour ce qui est du frais, la famille demande désormais systématiquement aux commerçants de mettre directement les produits achetés dans leurs contenants à eux. "En fait, les commerçants sont ravis qu'on leur propose nos propres récipients pour mettre ce qu'on leur achète. En agissant comme ça, je leur propose une solution. Pour eux, c'est plus économique car ils payent les contenants, ça peut représenter jusqu'à 20% du prix du produit à la vente".
Quant au temps passé en cuisine, c'est loin d'être une corvée pour Jérémie et Bénédicte. Le couple associe plutôt ce moment à du plaisir et de la convivialité à partager ensemble. "On trouve toujours toutes les excuses du monde pour ne pas réduire nos déchets. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, je ne perds rien en consommant local, au contraire, je gagne en temps et en qualité de vie. Au lieu de passer 2 heures le samedi dans une grande surface, je préfère aller au marché,
rencontrer les gens et discuter avec les producteurs locaux.
Les produits que j'achète sont meilleurs. Mon alimentation est décarbonnée et détoxifiée puisqu'elle est produite et vendue près de chez moi. On participe à une économie qui devient résiliente. Ce n'est pas une position de droite ou de gauche, c'est juste un engagement citoyen. Aujourd'hui, il existe partout en France des possibilités de s'approvisionner en utilisant les circuits courts comme en allant dans les marchés ou en utilisant les amap, par exemple" explique Jérémie.
La famille "presque 0 déchets" en livre
Cette expérience du 0 déchet, un éditeur a eu envie de la faire partager. Il y a un peu plus d'un an, il a proposé à Jérémie et Bénédicte de raconter leur aventure dans un livre. L'idée prend alors forme. Illustratrice graphiste, Bénédicte prend en charge la partie illustration et Jérémie s'attelle à la rédaction. Le résultat est plutôt réussi. A mi-chemin entre le carnet de bord et le guide pratique, "Famille presque zéro déchet" donne à tout un chacun (pas besoin d'être un écolo pur et dur pour adhérer!) une foule de conseils pratico-pratiques pour diminuer sa quantité de déchets. Parce qu'alléger sa poubelle ce n'est pas forcément que triste et pénible, le ton est décalé, drôle et surtout pas moralisateur. "Notre démarche 0 déchets, on l'a d'abord faite pour nous. Notre objectif n'est pas de convaincre ou d'évangéliser les autres, on n'est pas dans l'idéologie ou le jugement, on est juste dans l'action. Le second degré utilisé dans le livre est une façon d'aborder l'écologie autrement que juste à travers les solutions chiffrées. On a décidé d'arrêter d'être en colère pour être dans une action positive et enthousiaste".
Aujourd'hui, le livre est un vrai succès et le couple intervient lors de nombreuses manifestations à la demande souvent des organisateurs eux-mêmes. "Nous intervenons souvent dans le cadre de communautés de communes déjà souvent engagées dans une politique de réduction des déchets. A l'échelle locale, il y a beaucoup d'élus qui font des choses pour la mise en place d'une rélle transition. Depuis 2, 3 ans, le changement vient du bas, l'innovation sociale est très forte" explique Jérémie qui fort de cette première expérience livresque a décidé de prolonger l'aventure. Parce que réduire nos déchets, ce n'est pas que l'affaire des grands, les enfants, ont désormais eux aussi leur livre 0 déchet.
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