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L'esthétique au service des plus fragiles

Premier dispositif social du genre en Europe, l'Institut de Beauté Solidaire a été créé par deux femmes dans les quartiers nord de Marseille. Dans cette association agréée entreprise solidaire, on prend soin du corps et de l'âme pour permettre aux femmes de reprendre confiance en elles et de retrouver l'estime d'elle-même.

 

 

Lorsqu'il y a une dizaine d'années Sophie Kardous et Karima Ourabah crééent l'association Hygia, l'objectif est d'ouvrir un espace ressource dédié aux femmes. "On a constaté qu'il n'y avait pas d'esthéticienne dans le social, le carcéral ou le médical à Marseille. On a voulu aller voir sur le terrain ce que ça donnait, c'est comme ça qu'est née Hygia" raconte Sophie Kardous.

 

Si dans cet institut de beauté situé entre les barres HLM des quartiers nord de Marseille, on vient se faire épiler, maquiller, coiffer, dorloter, il est aussi question d'échanges et de discussions. Entre femmes, bien sûr, mais aussi avec des professionnels de l'esthétique et du monde de la santé. A Hygia, on aide les femmes à prendre soin de leur corps mais aussi de leur âme.

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Un espace pour libérer la parole des femmes

Dans ce lieu atypique on parle beauté, esthéthique, bien sûr, mais aussi contraception, relations dans le couple, place de la femme, éducation des enfants, tout ça autour d'un café dans une ambiance conviviale et cocooning. Ici, on répond aux questions, on informe, on conseille sans jamais porter de jugement.

"Les femmes parlent librement, toutes ont signé une charte de confidentialité, elles savent que tout ce qui se dit ici ne sort pas des locaux. Il y a une vraie confiance qui s'est instaurée entre les femmes qui viennent et les professionnels qui les accueillent. C'est un espace pour dédramatiser les choses et les situations. Nous sommes des médiatrices et notre objectif est d'accompagner les femmes à solutionner les petits problèmes de la vie. Elles viennent trouver ici un appui, un conseil, une épaule, elles sont de toutes origines et viennent de plus loin que Marseille" explique Sophie Kardous.

 

Après quelques années d'existence et la création d'un vrai lien social avec la population féminine, Hygia est contrainte de fermer ses portes, la nouvelle équipe municipale ayant décidé de ne pas renouveler le prêt du local. Pour les fondatrices de l'association, le coup est dur, mais elles choisissent de continuer l'aventure différemment. L'Institut de Beauté Solidaire devient nomade.

Dans les centres sociaux, dans les prisons, dans les établissements gériatriques, auprès de femmes malades, handicapées ou en situation de précarité, Karima et Sophie se déplacent partout où les besoins existent, toujours accompagnées de professionnels pour apporter aux femmes une démarche globale de santé.

Inlassablement et en dépit des difficultés financières et logistiques liées à l'organisation d'évènements éphémères, elles continuent à faire exister leur association. Lors de l'inauguration de ce concept itinérant le 17 novembre dernier au théâtre de l'Oeuvre à Marseille, 120 femmes ont fait le déplacement. Au total, 12 participants autour de thèmes comme le tabagisme ou la gestion du stress ont proposé et animé des ateliers tout au long de la journée.

 

Pour Sophie, "en terme de cohésion sociale, l'absence de lieu avec un cadre protecteur manque beaucoup mais l'aspect itinérant nous permet d'aller directement aux besoins des femmes et d'entrer en contact avec elles d'une manière différente. Lorsque certaines reçoivent un courrier de la sécurité sociale concernant la prévention du cancer du sein, par exemple, elles ne se sentent pas concernées. Les rencontres et les ateliers que nous proposons le temps d'une journée leur permettent d'avoir notamment accès à ce type d'information. Nous essayons à travers ces manifestations de toucher tous les territoires. Les femmes viennent beaucoup par le bouche à oreille. Elles se reconnaissent entre elles et se font confiance, elles ont l'impression de faire partie de la même famille. Lors de ces événementiels, nous travaillons toujours avec des partenaires qui proposent d'autres compétences que les nôtres mais toujours en lien avec le bien être" explique Sophie.

 

Proposer une démarche globale de santé


"Notre objectif est d'améliorer la démarche santé. On a constaté qu'en agissant de manière globale, on obtenait de meilleurs résultats en terme d'impact lié à l'insertion".

Pour Sophie, ces points désormais éphémères de rencontre, répondent à un vrai besoin des femmes qui manquent de lieux où se retrouver. "C'est un espace transversal, bienveillant ouvert à tous sans obligation de faire un soin. Ici, on peut déposer ses "valises". On vient pour papoter, voire où on en est. Parfois, la mise en mots de certaines problématiques fait avancer les femmes dans leurs démarches. Elles peuvent être écoutées sans s'engager. C'est une première étape qui n'a pas la gravité de pousser la porte d'une assistante sociale, par exemple. On est dans le dialogue informel. En partant du questionnement : comment je fais pour prendre soin de moi, le dialogue se refait avec soi-même. Il y a un respect du corps qui se créé par le biais d'une meilleure connaissance de soi-même".

 

En plus de ces points de rencontre itinérants prévus 1 à 2 fois par mois tout au long de cette année, Sophie et Karima ont pour objectif également en 2017 de développer la branche formation de l'association. "Nous proposons aux professionnels de l'esthétique d'apprendre à travailler la dynamique de groupe. Pour tous ceux qui n'ont pas de qualification dans le domaine de la beauté mais qui, de part l'exercice de leur métier sont amenés à faire des gestes de ce type, nous les formons en leur proposant de cadrer leur pratique. Sortir un vernis n'est pas anodin, surtout par rapport à des personnes souffrant de certaines pathologies. C'est aussi important de leur assurer un cadre assurantiel" explique-t-elle.

 

Quant aux demandes de conseils pour créer un institut de beauté solidaire, Sophie en reçoit beaucoup. "Le modèle que nous défendons est celui d'un institut pas cher fonctionnant sur le principe d'un dispositif social incluant une démarche de santé" précise Sophie. "Nous intervenons en tant que point d'appui technique à raison de 2 jours par mois pendant un an. A terme, on espère pouvoir constituer un vrai réseau".

 

asso-sylka.org

tél : 07 82 71 39 68

sylka.direction@gmail.com

 

 

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